La Solitude du Plongeur
Enquête exclusive – et explosive – de notre reporter bien connu, Manta-Lô

Nous commençons aujourd’hui une série de chroniques sur les multiples difficultés de la vie du plongeur.

Retour de vacances

Vous venez de revenir de votre lieu de plongée favori, disons une croisière en Egypte. Vous avez survécu aux différentes vicissitudes du plongeur loisir : les coups de soleil, les 45kg de bagages, le mal de mer, votre extinction de voix due aux appels réguliers au zodiac-men qui s’obstinaient à regarder dans la mauvaise direction à chaque fin de plongée.
Fraichement débarqué, vous n’avez pas dormi de la nuit à cause d’éléments divers sans qui la notion d’aventure ne serait plus ce qu’elle est : les 8 heures de transfert de Marsa Alam à Hurghada (il a fallu faire demi-tour 2 fois, une première fois parce qu’une copine avait oublié son détendeur et ses palmes dans sa cabines, et la deuxième fois parce qu’en fait elle a pris ceux du capitaine, et que son équipement était dans le sac de son copain, et qu’il a fallu tout ramener).
Vous avez supporté les trois réacteurs pendant le voyage, les deux de l’avion et les ronflements de votre voisin au nez cyranesque.
Débarqué de l’avion, vous voilà revenu dans la calme de votre maison, quand un coup de téléphone maternel vous convoque à un déjeuner familial, assortissant cette invitation de menaces plus ou moins voilées en cas d’absence de votre part.
Tout auréolé de votre statut d’Indiana Jones empalmé, vous mettez une tenue adaptée à votre bronzage récent (souvent couleur tomate vu que les coups de soleil du premier jour n’ont pas encore eu le temps de se transformer en couleur-bronzage-des-top-modèles-des-magazines-de-mode-de-chez-mon-dentiste), soit short et chemise uniquement fermé par le 3ème bouton, celui du milieu.
Vous irez à pied chez la tante Agathe, histoire de faire savoir au voisinage qu’un Apollon de 1er choix est de retour et que la chasse est ouverte. Le problème est que la fatigue et le taxi surchauffé vous ont fait occulter le fait qu’on est en février et rapidement, le froid perçant et les -5° vous convainquent d’accélérer le mouvement jusqu’à transformer ce pas nonchalant et triomphant en un sprint désespéré digne d’un coureur de 100m olympique survitaminé et epo-isé.
C’est votre mère qui ouvre la porte et vous jette un regard torve en déplorant le manque de cravate et jette un regard glacial – comme si vous en aviez besoin !! – à vos espadrilles qui se recroquevillent encore plus – si c’était possible !
C’est l’anniversaire de la petite cousine Aurélie, et toute la famille est là, et accueille comme il se doit l’Aventurier de la Famille, le Chasseur de Requins, le Chevaucheur de Dauphins, le Matador des Profondeurs, L’Escaladeur des Abysses.
Vous avez un public tout trouvé, mais quelques précisons s‘imposent néanmoins. Non, il ne faut pas traverser la vallée des rois en palmes pour rejoindre la mer, non nous avons plongé en Mer Rouge et pas dans le Nil, non, le bateau ne comptait pas 3000 personnes. Alors là, c’est important de bien choisir ses mots pour la suite, car la moindre faute de communication, et l’intérêt des invités va fondre aussi vite qu’un sorbet dans un four à micro-onde !

« Bien sur que j’ai vu des dauphins » (sur le dvd best-of du guide) « Ben évidemment qu’il y a des requins » (y’a des potes qui en avaient vu il y a 3 ans) « Des baleines, c’est rare, mais y’en a » (autre dvd du guide, ses vacances au Québec) « Si je descend profond ? ben 300m, mais bon, c’est normal, je fais ça à chaque fois » (petite erreur de lecture, c’est 30.0m, pas 300m, mais pfuut, pourquoi s’arrêter aux détails !) « Si la plongée c’est dangereux ? Bah on est surentrainé, des vraies machines de guerre ! » (faut dire que le coup de soleil à travers les sandales le 1er jour sur le petit orteil a été suuuper douloureux avec les palmes !!!)

L’erreur à ne pas commettre est évidemment de fondre en larme à l’évocation de la ponte de nudibranche, ou du balai des anguilles jardinières. Mais même sans ça, l’intérêt des terriens va rapidement s’émousser d’autant que la tante Georgette annonce qu’elle a couché avec Albert, le comptable de sa boite, qui est le copain de la cousine Sylvie, laquelle s’empresse de se jeter sur la tantine en la traitant de tous les noms, pendant que ma mère m’annonce que je vais reconduire la grand-tante Irénée chez elle, à pied, à l’autre bout du quartier.

 Flétrissant du regard vos balbutiements « mais j’vais chopper la crève », elle vous colle l’ancêtre raiemoresque sur le bras, pas moyen de s’en décramponner. Bah, y’aura bien une petite sirène sur le chemin, et demain, y’aura les potes du club de plongée !!!! A suivre…

Manta-Lô, Petit rapporteur
 « Tant va la cruche à l’eau qu’elle se brise
Mais avant, elle a rempli les verre de Pastis »
Proverbe de la Marne (51)