La mer était calme, le soleil de plomb, le sable chaud. Le vent était tombé. Les yeux gris acier de notre Guide étincelèrent sauvagement : « Opération Dugong !! » hurla-t-elle !!! (en anglais avec l’accent néerlandais, mais pour des raisons évidentes de compréhension, je vais transcrire les dialogues en VF).

 Les 4 Hollandais du groupe rectifièrent leur attitude en un garde-à-vous automatique. Imaginez 2 hommes, 2m de haut, 80kg, yeux bleus, cheveux blonds courts, mâchoire carrée ; noms de code : « Cobra 1 & 2 ». . Imaginez 2 femmes, 1.98m de haut, 78kg, yeux bleus, cheveux blonds courts, mâchoire rectangulaires ; noms de code : « Scorpion Fish 1 & 2 ».

 Imaginez miss BdR, 1.55m toute mouillée, regard innocent, longue chevelure blonde, la fragilité incarnée, la douceur personnifiée. Et votre serviteur : ma modestie naturelle m’empêchera de donner de plus amples détails sur ma personne, afin d’éviter un gonflement intempestif de ma Boite au lettres dû aux messages désespérés de lectrices ou de lecteurs avides de mélange harmonieux entre un corps parfait et un intellect bien huilé – ou l’inverse.

 « On avance en ligne droite, 50m entre les plongeurs, en contact visuel permanent » hulula notre Dive Mistress (alias « Black Mamba ») « j’veux pas voir une tête qui dépasse, on se concentre sur le Dugong, on ignore le reste, on le trouvera dans 8 mètres d’eau maximum… Le premier qui palme de travers, je lui casse les doigts !!!!»

 Nous entrâmes dans l’onde azuréenne, et bientôt nous retrouvâmes submergés dans une eau limpide. BdR et BM à ma gauche, SF 1& 2 puis Cobra 1&2 à ma droite. Rapidement Black Mambi fit des gestes véhéments qui signifiaient soit « je prendrais bien un petit café noir » soit « écartez vous les uns des autres, vous êtes trop près, le premier qui foire, je lui brise les rotules !!».

Brusquement, sur ma droite apparut une raie guitare. Je fis des appels désespérés à Miss BdR (non, mes signes ne veulent pas dire « tu veux pas un décaf ? ») tandis que Scorpion Fish 1, corps tendu, palmage ample, œil d’aigle sous-marin vissé sur la cible dugonguienne, ignorait ce curieux animal, tel un tigre du Bengale refusant un petit suisse (le fromage blanc, pas un Helvète).

Toutefois, notre ligne se disloqua à la vue de notre première tortue verte. Fier vestige des temps passés, elle broutait gaiement la zone d’herbage, et enfreignant courageusement les consignes de Black Mambu, nous approchâmes. 10 minutes et 3000 photos plus tard, nous repartîmes pour notre quête du Graal, notre odyssée homérique, notre autoroute (sans péage, ce qui est rare sauf en Bretagne !) vers l’inconnu.

A 5 mètres de fond et avec une visibilité de type himalayenne par beau temps. C’est alors que Miss BdR eut un glapissement rauque et un cri ultrasonique perçant (ce qui est un exploit à faire en même temps) qui m’aveuglèrent temporairement les oreilles, et m’agrippa le bras sauvagement, ses ongles acérés et pointus déchirant ma combinaison et s’incrustant dans ma chair fragile, m'arrachant un glapissement de douleur. De l’autre main, elle pointait ardemment ses longs doigts fuselés vers un point en surface, derrière moi. Mon coeur se mit à battre follement la chamade (43 pulsations au lieu de 35). Mon flegme quasi-british se fracassa contre le rocher du plaisir anticipé de voir enfin le fruit défendu de ma quête dugonguienne récompensé, tel un navire sans gouvernail, sans moteur, sans équipage s’explosant le long des côtes de Bretagne par une tempête de force 12,7. Enfin, pensais-je, mon premier Dugong !!!! Et je me retournais.

La première chose qui me frappa fut la montre à quartz. J’essayais de me convaincre que j’avais affaire à un Dugong particulièrement évolué sur l’échelle darwinienne, éprouvant le besoin de regarder, à heure fixe, « Sar Académie », ou « Quand les Raies-Aigles attaquent »… Puis le slip de bain vert fluo et les deux pieds gigotant achevèrent de me convaincre de la présence d’un Teutonus Homo Sapiens bien dodu, mais pas plus de Dugong à l’horizon que de lueur d’intelligence dans l’œil d’une blonde quand elle finit de colorier son 3ème livre.

J’ai toujours pensé qu’il était impossible de prendre des vessies pour des lanternes, et un baigneur allemand joufflu pour un Dugong. Jusqu’à maintenant. !!!!!!!!! J’ai ressenti, les minutes suivante, un black out partiel, car, respirer, se gondoler, essuyer les larmes qui coulent à l’intérieur du masque simultanément exige des talents quasi extra terrestres !!!!! Notre ligne droite était définitivement brisée. Par 16 m de fonds, mu par un instinct primaire quasi animal remontant aux origines de l’homme et même avant, et par mon 9ème sens, je décidais de suivre Black Mamby.

Laquelle, 10 mn après, nous amena vers le dugong. Yaouhhhhh !!!!! Et ce dernier, après une ultime galipette, disparu dans les profondeurs et nous palmâmes en direction du jardin corallien non loin de là. Sur notre chemin, nous croisâmes Cobra 1&2, ainsi que Scorpion Fish 1&2, corps tendus, palmages amples, yeux d’aigle sous marin. Ils avaient manqué le dugong.

FIN

Toute ressemblance avec des évènements ou des personnages réels est quasi presque fortuit et en gros plus ou moins le reflet de la réalité !!! lol

Aucun Dugong n’a été blessé lors de l’écriture de ce récit !!!!